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l’approuveroit ; et que pour le lui témoigner, le lendemain au cercle il lui parleroit d’un appartement qu’elle vouloit faire accommoder ou faire à Fontainebleau. Comme je la suppliai de garder le secret, elle me répondit qu’elle en avoit bien plus de sujet que je ne pensois. Elle me dit sur cela tout ce que la rage fait dire contre Servien et Lyonne, qu’elle appela vingt fois des perfides. Elle traita Chavigny de petit coquin, et finit par Le Tellier, en disant « Il n’est pas traître comme les autres, mais il est foible, et n’est pas assez reconnoissant. — Madame, repris-je, je supplie Votre Majesté de me permettre de lui dire que tant que la niche du premier ministre sera vide, M. le prince en prendra une grande force, parce qu’il la fera toujours paroître comme prête à recevoir le cardinal. — Il est vrai, me répondit la Reine ; et j’ai fait réflexion sur ce que vous en avez dit la nuit passée au maréchal Du Plessis. Le vieux Châteauneuf est bon pour cela ; mais le cardinal y aura bien de la peine, parce qu’il le hait mortellement ; et il en a sujet. Le Tellier croit qu’il n’y a que lui à mettre en cette place. Mais à propos de cela, ajouta-t-elle, j’admire votre folie. Vous vous faites un point d’honneur de rétablir cet homme, qui est le plus grand ennemi que vous ayez sur la terre. Attendez. » En disant cette parole, elle sortit du petit oratoire, et y rentra aussitôt, en jetant sur un petit autel le mémoire qui avoit été envoyé contre moi au parlement. Ce mémoire étoit brouillé et raturé, mais écrit de la main de M. de Châteauneuf. Je lui dis, après l’avoir lu « S’il vous plaît, madame, de me permettre de le faire voir, je me séparerai dès demain de M. de Châ-