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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

pas pour profiter de la division qui étoit dans le royaume, il offroit d’en retirer ses troupes dès le moment qu’il auroit plu au Roi de nommer un lieu d’assemblée pour la paix, et des députés pour en traiter. Cette proposition, qui ne pouvoit plus avoir d’effet solide dans la conjoncture, étoit assez d’usage pour ce que M. de Bouillon s’y proposoit ; et il n’y avoit pas lieu de douter que la cour, qui verroit aisément que dans le fond de la chose cette offre ne pourroit plus aller à rien qu’autant qu’il lui plairoit n’y donnât les mains, au moins en apparence, et en même temps un prétexte honnête aux Espagnols pour se retirer sans déchet de leur réputation.

Le bernardin ne fut pas si satisfait de ce pont d’or, qu’il ne me dît après en particulier qu’il en eût beaucoup mieux aimé un de bois sur la Marne ou sur la Seine. Ils donnèrent toutefois les uns et les autres à tout ce que M. de Bouillon désira d’eux, parce que leur ordre le portoit ; et ils écrivirent sans contradiction la lettre que je leur dictai. M. le prince de Conti, qui étoit indisposé, me chargea d’aller de sa part au parlement faire le rapport de cette prétendue lettre, que les envoyés de l’archiduc lui portèrent en grande cérémonie. Je fus assez innocent pour recevoir cette commission qui donnoit lieu à mes ennemis de me faire passer pour un hommé tout-à-fait concerté avec l’Espagne, dans le moment que j’en refusois toutes les offres qu’elle me faisoit pour mes avantages particuliers, et que je lui rompois toutes ses mesurespour ne point blesser le véritable intérêt de l’État. It n’y a jamais eu de bêtise plus complète. M. de Bouillon en fut fâché pour l’amour de moi, quoiqu’il y trouvât