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DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

mademoiselle de Chevreuse n’eût rien dit, je ne l’eusse pas relevée, et Monsieur m’eût peut-être laissé faire : ce qui lui eût imposé la nécessité d’exécuter ce qu’il avoit imaginé. L’impétuosité de mademoiselle de Chevreuse lui approcha d’abord toute l’action : il n’y a rien qui effraie tant une ame foible. Il se mit à siffler : ce qui n’étoit jamais un bon signe, quoique ce signe ne fût pas rare ; il s’en alla rêver dans une croisée il nous remit au lendemain ; il passa dans le cabinet des livres, où il donna congé à la compagnie et messieurs les princes sortirent du Palais-Royal, en se moquant publiquement, sur les degrés, de la guerre des pots de chambre.

Comme j’étois le lendemain au matin dans la chambre de madame de Chevreuse, le président Viole y entra fort embarrassé à ce qui nous parut. Il se démêla de l’ambassade qu’il avoit à porter, comme un homme qui en étoit fort honteux. Il mangea la moitié de ce qu’il avoit à dire, et nous comprîmes par l’autre qu’il venoit de déclarer la rupture du mariage. Madame de Chevreuse lui répondit galamment. Mademoiselle de Chevreuse, qui s’habilloit auprès du feu, se prit à rire. Vous jugez bien que nous ne fûmes pas surpris de la chose ; mais je vous avoue que je le suis encore de la manière. Je n’ai jamais pu la concevoir ; mais, qui plus est, je n’ai jamais pu me la faire expliquer. J’en ai parlé mille fois à M. le prince ; j’en ai parlé à madame de Longueville ; j’en ai parlé à M. de La Rochefoucauld aucun d’eux ne m’a pu alléguer aucune raison de ce procédé si peu ordinaire en de pareilles occasions, où l’on cherche au moins toujours des prétextes. On dit après que la Reine avoit défendu