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[1651] MÉMOIRES

qu’il m’étoit venu dans l’esprit un moyen qui me paroissoit haut et digne de sa naissance, pour nous éclaircir de l’intention de M. le prince, et propre à en accélérer l’effet si elle étoit bonne, ou à en rectifier ou colorer la suite si elle étoit mauvaise que ce moyen étoit que je disse à M. le prince que madame sa mère et elle m’avoient ordonné de l’assurer qu’elles ne prétendoient en façon du monde se servir des engagemens qui avoient été pris par les traités ; qu’elles n’y avoient consenti que pour avoir la satisfaction de lui remettre sa parole ; et que je le suppliois, en leur nom, de croire que s’ils lui faisoient la moindre peine ou le moindre préjudice aux mesures qu’il pouvoit avoir en vue de prendre à la cour, elles s’en désistoient de tout leur cour et qu’elles ne laisseroient pas de demeurer, elles et tous leurs amis, très-attachés à son service.

Mademoiselle de Chevreuse donna dans mon sens, parce qu’elle n’en avoit jamais d’autre que celui de l’homme qu’elle aimoit. Madame sa mère y tomba, parce que ses lumières naturelles lui faisoient toujours prendre avec avidité ce qui étoit bon. Laigues s’y opposa, parce qu’il étoit lourd, et que les gens de ce caractère ont toutes les peines du monde à comprendre ce qui est double. Bellièvre, Caumartin, Montrésor l’emportèrent à la fin en lui expliquant ce double, et en lui faisant voir que si M. le prince avoit bonne intention, ce procédé l’obligeroit ; que s’il l’avoit mauvaise, il le retiendroit, et l’empêcheroit au moins de nous accabler dans un moment où nous en usions si respectueusement, si franchement et si honnêtement avec lui. Ce moment étoit ce que nous avions juste-