Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

échauffé, pour m’assurer que madame de Chevreuse et le garde des sceaux me jouoient, et ne me disoient pas tous les secrets, s’ils ne m’avoient fait confidence du tour qu’ils avoient fait au cardinal ; qu’il savoit de science certaine et de bon lieu que c’étoient eux qui lui avoient persuadé de sortir de Paris, sur la parole qu’ils lui avoient donnée de le servir ensuite pour son rétablissement, et d’appuyer dans l’esprit de Monsieur les instances de la Reine, à laquelle il ne pouvoit jamais résister en présence. L’abbé Charrier accompagna cet avis de toutes les circonstances que j’ai trouvées depuis répandues dans le monde et qui eussent fait croire (au moins à tous ceux qui croient que tout ce qui leur paroît le plus fin est le plus vrai) que l’évasion du Mazarin étoit un grand coup de politique ménagé par madame de Chevreuse et par le garde des sceaux et pour perdre le cardinal par lui-même. Les misérables gazetiers de ce temps-là ont forgé là dessus des contes de Peau-d’Ane, plus ridicules que ceux que l’on fait aux enfans. Je m’en moquai dès l’heure même, parce que j’avois vu et l’un et l’autre fort embarrassés quand ils apprirent que le cardinal étoit parti, dans la crainte que le Roi ne le suivît bientôt. Mais comme je croyois avoir remarqué plus d’une fois que la cour se servoit du grand prévôt pour me faire insinuer de certaines choses, j’observai soigneusement les circonstances, et il me parut que beaucoup de celles que l’abbé Charrier me marquoit ; et qu’il m’avoua tenir du grand prévôt, tendoient à me laisser voir que le Mazarin s’en alloit paisiblement hors du royaume, attendre avec sûreté l’effet des grandes promesses du garde des sceaux et de madame