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[1651] MÉMOIRES

l’État. Il se tourna ensuite vers le maréchal de Villeroy. « Je vous charge, dit-il, de la personne du Roi vous m’en répondrez. » J’appris cette bielle expédition un quart-d’heure après, et j’en fus très-fâché, parce que je la considérai comme le moyen le plus propre pour faire sortir le Roi de paris et c’étoit uniquement ce que nous craignions. Je n’ai jamais pu savoir ce qui obligea le cardinal à s’y tenir après cet éclat. Il faut que la tête lui ait alors tout-à-fait tourné et Servien, à qui je l’ai demandé depuis en convenoit. Il me disoit que le cardinal, ces douze ou quinze jours, n’étoit plus un homme. Cette scène se passa au palais d’Orléans le 2 février.

Le 3, il y en eut une autre au parlement. Monsieur, qui ne gardoit plus de mesures avec Mazarin, et qui se résolut de le pousser personnellement, et même de le chasser, me commanda de donner part à la compagnie en son nom, de la comparaison du parlement à la chambre basse de Londres, et de quelques particuliers à Fairfax et à Cromwell. Je l’alléguai comme la cause de l’éclat que Monsieur avoit fait la veille, et je l’embellis de toutes ses couleurs. Je puis dire, sans exagération, qu’il n’y a jamais eu plus de feu en lieu du monde qu’il y en eut dans les esprits en cet instant. Il y eut des avis à décréter contre le cardinal un ajournement personnel : il y en eut à le mander à l’heure même pour rendre compte de son administration. Les plus doux proposèrent de faire de très-humbles remontrances à la Reine pour demander son éloignement. Vous ne doutez pas de l’abattement du Palais-Royal à ce coup de foudre. La Reine envoya prier Monsieur d’agréer qu’elle lui menât M. le car-