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[1649] MÉMOIRES

Rouen. L’unique exploit qu’ils firent à la campagne fut la prise de Harfleur, place non tenable, et de deux ou trois petits châteaux qui ne furent point défendus. Varicarville, qui étoit mon ami et qui me parloit confidemment, n’attribuoit cette pauvre et misérable conduite ni au défaut de cœur de M. de Longueville, qui étoit très-bon soldat, ni même au défaut d’expérience, quoiqu’il ne fût pas capitaine : il en accusoit uniquement son incertitude naturelle, qui lui faisoit chercher continuellement des ménagemens. Antonville, qui commandoit sa compagnie des gendarmes, étoit son négociateur en titre d’office ; et j’avois été averti de Saint-Germain par madame de Lesdiguières que, dès le second mois de la guerre, il avoit fait un voyage secret à Saint-Germain. Mais comme je connoissois M. de Longueville pour un esprit qui ne se pouvoit empêcher de traitailler, dans le temps même où il avoit le moins d’intention de s’accommoder, je ne fus pas ému de cet avis : d’autant moins que Varicarville, à qui j’en écrivis, me manda que je devois connoître le terrain, qui n’étoit jamais ferme : mais que je serois informé à point nommé lorsqu’il s’amolliroit davantage.

Dès que je connus que Paris penchoit à la paix au point de nous y emporter nous-mêmes, je crus être obligé de le faire savoir à M. de Longueville : en quoi Varicarville soutenoit que j’avois fait une faute, parce qu’il disoit à M. de Longueville même qu’il falloit que ses amis le traitassent comme un malade, et le servissent en beaucoup de choses sans lui. Je ne crus pas devoir user de cette liberté dans une conjoncture où les contre-temps du parlement pouvoient faire une