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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

unes dans les autres cinq ou six fois par jour, formèrent presque dans les esprits le projet de se défendre de la cour par la cour même, et d’essayer au moins de diviser le cabinet avant que de se résoudre à rentrer dans la faction. J’ai déjà remarqué que tout ce qui est interlocutoire paroît sage aux esprits irrésolus, parce que leurs inclinations les portent à ne point prendre de résolutions finales. Ils flattent d’un beau titre leurs sentimens. Caumartin trouva cette facilité dans le tempérament des gens avec qui il avoit affaire, et il leur fit naître presque imperceptiblement la pensée qu’il leur vouloit inspirer. Monsieur faisoit en toutes choses comme font la plupart des hommes quand ils se baignent : ils ferment les yeux en se jetant dans l’eau. Caumartin, qui connoissoit l’humeur de Monsieur, me conseilla de les lui tenir toujours ouverts par des peurs modérées, mais successives. J’avoue que cette pensée ne m’étoit point venue dans l’esprit, et que comme le défaut de Monsieur étoit la timidité j’avois toujours cru qu’il étoit bon de lui inspirer incessamment de la hardiesse. Caumartin me démontra le contraire, et je me trouvai très-bien de son avis. Il seroit ennuyeux de vous raconter par le détail les tours qu’il donna à cette intrigue dans laquelle il est vrai que bien que je fusse persuadé que la pourpre m’étoit absolument nécessaire, je n’avois pas toute l’activité requise, par un reste de scrupule qui étoit assez impertinent. Il réussit enfin de sorte que Monsieur crut qu’il étoit de son honneur et de son intérêt de me procurer le chapeau ; que madame de Chevreuse ne douta point qu’elle ne fît autant pour la cour que pour moi, en rompant ou retardait