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[1649] MÉMOIRES

sur les raisons que j’ai d’agir comme je fais devant le président de Bellièvre, et il est vrai ; et vous avouerez que je n’ai pas tort, quand je vous aurai dit que ce bourgeois me déchira avant-hier une heure durant, sur la déférence que j’ai pour les sentimens de ma femme. Je veux bien vous l’avouer à vous, qui ne mè blâmeriez pas de ne pas exposer une femme que j’aime tendrement et huit enfans qu’elle aime plus que soi-même à un parti aussi hasardeux que celui que vous prenez et que je prendrons avec vous si j’étois seul. »

Je fus touché du sentiment de M. de Bouillon et de sa confiance et je lui répondis que j’étois si éloigné de le blâmer, qu’au contraire je l’en honorois davantage et que la tendresse pour madame sa femme, qu’il venoit d’appeler une foiblesse, étoit une de ces sortes de choses que la politique condamne, mais que la morale justifie, parce qu’elles sont une marque de la bonté d’un cœur qui ne peut être supérieur à la politique qu’il ne le soit en même temps à l’intérêt.

Nous entrâmes un moment après chez M. le prince de Conti, qui soupoit. M. de Bouillon le pria de permettre qu’il lui pût parler devant madame de Longueville, messieurs les généraux, et les principales personnes du parti. Comme il falloit du temps pour rassembler ces gens, on remit la conversation à onze heures du soir ; et M. de Bouillon alla, en attendant, chez les envoyés d’Espagne, auxquels il persuada que la conduite que nous venions de résoudre ensemble, et qu’il ne leur disoit pourtant pas avoir été concertée avec nous, leur pourroit être très-utile, parce que la fermeté que nous conservions contre le