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[1650] MÉMOIRES

ger Vincennes ? Et les frondeurs, quelque fous qu’ils puissent être, exposeront-ils le peuple de Paris à un siège que deux mille chevaux détachés de l’armée du Roi feront lever dans un quart-d’heure à cent mille bourgeois ? Je conclus que la translation n’est pas bonne dans le fond. Examinons les apparences : ne seront-elles pas que M. le cardinal se seroit voulu rendre maître, sous le prétexte des Espagnols, des personnes de messieurs les princes, pour en disposer à sa mode ? Qui peut répondre que Monsieur n’en prenne pas lui-même de l’ombrage, ou du moins qu’il ne se choque d’une action que le commun ne peut au moins s’empêcher de croire lui être désavantageuse ? Le peuple, qui est généralement frondeur, croira que vous lui ôtez M. le prince, qu’il croit présentement en ses mains, quand il le voit sur le haut du donjon ; et que vous le lui ôtez pour lui rendre la liberté quand il vous plaira, et pour venir assiéger Paris une seconde fois avec lui. Les partisans de M. le prince s’en serviront utilement pour échauffer les esprits par la commisération que le seul spectacle de trois princes enchaînés, et promenés de cachot en cachot, produira dans l’imagination. Je vous ai dit que je n’avois aucun intérêt dans cette translation je me suis trompé ; j’y en trouve un grand, qui est que le peuple criera, et dans ce peuple je compte tout le parlement. Je serai obligé, pour ne me point perdre, de dire que je n’ai pas approuvé la résolution. On mandera à la cour que je la blâme, et l’on mandera le vrai. On ajoutera que je la blâme pour Il émouvoir le peuple et pour, décréditer M. le car-