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[1650] MÉMOIRES

créance. Elle portoit que les sentimens que j’avois fait paroître dans la défense de la liberté publique, joints à ma réputation, avoient donné à Cromwell le dessein de faire une étroite amitié avec moi. Le fond fut orné de toutes les honnêtetés, de toutes les offres, de toutes les vues que vous pouvez vous imaginer. Je répondis avec respect ; mais je ne dis et ne fis rien qui ne fût digne d’un vrai catholique et d’un bon Français. Vaire me parut d’une capacité surprenante. Je reviens à ce qui se passa le lendemain chez Monsieur.

Laigues, qui y avoit eu le matin une grande conférence avec M. Le Tellier, m’aborda, et je connus qu’il avoit quelque chose à me communiquer. Je le lui dis, et il me répondit : « Il est vrai ; mais me donnez-vous votre parole de me garder le secret ? » Je l’en assurai. Le secret étoit que Le Tellier avoit ordre positif du cardinal de tirer messieurs les princes du bois de Vincennes, si les ennemis se mettoient à portée d’en pouvoir approcher ; et de ne rien oublier pour y faire consentir Monsieur, mais de l’exécuter quand bien même il n’y consentirait pas ; d’essayer de me gagner sur ce point par le moyen de madame de Chevreuse, qui n’étoit pas encore tout-à-fait payée des quatre-vingt mille livres que la Reine lui avoit données de la rançon du prince de Ligne, qui avoit été pris prisonnier à la bataille de Lens, et qu’il croyoit par cette considération être plus dépendante de la cour. Laigues ajouta toutes les raisons qu’il put trouver lui-même, pour me prouver la nécessité et même l’utilité de cette translation. Je l’arrêtai tout court, et je lui répondis que je serois bien aise de lui parler devant M. Le Tellier. Nous l’attendîmes chez Mon-