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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

à laquelle sa longue disgrâce donna même beaucoup d’éclat. Il étoit proche parent du maréchal de Villeroy. Le commandeur de Jars avoit été sur l’échafaud de Troyes, pour ses démêlés avec le cardinal de Richelieu. On l’avoit vu amant de madame de Chevreuse, et il ne l’avoit pas été sans succès. Il étoit alors âgé de soixante-douze ans ; mais sa santé forte et vigoureuse, sa dépense splendide, son désintéressement parfait en tout ce qui ne passoit pas le médiocre et son humeur brusque et féroce qui paroissoit franche, suppléoient à son âge, et faisoient qu’on ne le regardoit pas encore comme un homme hors d’œuvre. Le maréchal d’Estrées qui vit que le cardinal se mettoit dans l’esprit de se rétablir dans le public en accommodant les affaires de Bordeaux, et en remettant l’ordre dans les rentes, prit le temps de cette verve, pour ainsi dire, qui ne dureroit pas long-temps, disoit-il, pour lui persuader qu’il falloit couronner l’œuvre par la dégradation du chancelier, odieux au public ou plutôt méprisé, à cause de son penchant naturel à la servitude, qui obscurcissoit la grande capacité qu’il avoit pour cette dignité ; et par l’installation de M. de Châteauneuf, dont le seul nom honoreroit le choix. Je ne fus jamais plus étonné que quand le maréchal d’Estrées nous vint dire, à M. de Bellièvre et à moi, qu’il voyoit jour à ce changement. Je ne connoissois M. de Châteauneuf que par réputation je ne me pouvois figurer que la jalousie d’un Italien lui pût permettre de mettre en place un esprit aussi bien fait pour le ministère ; et ma surprise, qui n’eut point d’autres causes que celle-là, fut interprétée par le maréchal comme l’effet de mon appréhension que