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[1650] MÉMOIRES

pos particulier dans le repos public, parce qu’ils étoient fort vieux, de songer à trouver les moyens de nous unir intimement le cardinal et moi. Ils lui proposèrent pour cet effet le mariage de son neveu avec ma nièce. Il y donna les mains de bon cœur ; mais je m’en éloignai à proportion, ne pouvant pas me résoudre il ensevelir ma maison dans celle du Mazarin et n’estimant pas assez la grandeur pour l’acheter par la haine publique. Je répondis civilement aux oublieux (on appeloit ainsi ces messieurs, parce qu’ils alloient d’ordinaire, entre huit ou neuf heures du soir, dans les maisons où ils négocioient quelque chose : et ils négocioient toujours) ; je leur répondis, dis-je, civilement, mais négativement. Comme ils ne souhaitoient pas là rupture entre nous ils colorèrent si adroitement le refus, qu’il ne produisit point d’aigreur et comme ils avoient tiré de moi que j’aurois une grande joie d’être employé à la paix générale, ils firent si bien que le cardinal, de qui l’enthousiasme pour moi dura douze ou quinze jours, me le promit comme de lui-même, et de la meilleure grâce du monde.

Le maréchal d’Estrées se servit habilement de ce bon intervalle pour le rétablissement de M. de Châteauneuf[1] dans sa commission de garde des sceaux dont le cardinal de Richelieu l’avoit dépouillé. On l’avoit ensuite tenu prisonnier treize ans dans le château d’Angoulême. Cet homme avoit vieilli dans les emplois et, s’y étoit acquis beaucoup de réputation,

  1. Charles de L’Aubespine, marquis de Châteauneuf, né en 1580. On lui ôta les sceaux en 1633, après les avoir tenus un peu plus de deux ans. On les lui rendit le 2 mars 1650. Il mourut le 17 septembre 1653. (A. E.)