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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

jours de voir Paris à feu et à sang. Je suis persuadé (et elle le fut aussi) que cette dernière raison le toucha pour le moins autant que les autres : car il trembloit de peur toutes les fois qu’il venoit au Palais, et il y eut des jours où il fut impossible à M. le prince de l’y mener. On appeloit cela les accès de la colique de Son Altesse Royale. Sa frayeur n’étoit pas sans sujet. Si un laquais se fût avisé de tirer l’épée, nous eussions tous été tués en moins d’un quart-d’heure : et ce qui est rare est que si cette occasion fût arrivée entre le premier janvier et le 18, ceux qui nous eussent égorgés eussent été ceux-là mêmes avec qui nous étions d’accord ; parce que tous les officiers de la maison du Roi, de celle de la Reine, de celle de Monsieur, et de celle du cardinal, étoient persuadés qu’ils faisoient très-bien leur cour d’accompagner réglément tous les jours messieurs les princes.

Je n’ai jamais pu m’imaginer la raison pour laquelle le cardinal lanterna tant les cinq ou six derniers jours qui précédèrent cette exécution. Laigues et Nôirmoutier crurent qu’il le faisoit à dessein, et dans l’espérance que nous nous massacrerions, M. le prince et nous, dans le Palais. Mais outre que s’il eût eu cette pensée, il lui eût été facile de la faire réussir, en apostant deux hommes qui eussent commencé la noise, je crois qu’il appréhendoit autant que nous, ne pouvant pas douter qu’il n’y avoit point d’asyle assez sacré pour le sauver lui-même d’une catastrophe. J’ai toujours attribué à son irrésolution naturelle ce délai, que je confesse avoir pu et dû même produire de grands inconvéniens. Ce secret, qui fut gardé entre dix-sept personnes, est un de ceux qui