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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

nier me parut encore au dessus de l’autre. Je crois qu’elle me répéta vingt fois « Le pauvre M. le cardinal » en me parlant de la guerre civile, et de l’amitié qu’il avoit pour moi. Son cardinal entra demi-heure après. Il supplia la Reine de lui permettre qu’il manquât au respect qu’il lui devoit, pour m’embrasser devant elle. Il fut au désespoir, disoit-il, de ce qu’il ne pouvoit me donner sur l’heure même son bonnet ; et il me parla tant de grâces, de récompenses : et de bienfaits, que je fus obligé de m’expliquer, n’ignorant pas que rien ne jette tant de défiance dans les réconciliations nouvelles, que l’aversion que l’oit témoigne à être obligé à ceux avec qui on se réconcilie. Je répondis à M. le cardinal que l’honneur de servir la Reine faisoit la récompense la plus signalée que je dusse jamais espérer, quand même j’aurois sauvé la couronne ; et que je la suppliois très-humblement de ne me donner jamais que celle-là afin que j’eusse au moins la satisfaction de lui faire connoître que c’étoit la seule récompense que j’estimois, et qui pût m’être sensible.

M. le cardinal prit la parole, et supplia la Reine, de me commander de recevoir la nomination au cardinalat, que La Rivière, ajoutait-il, a arraçhée avec insolence, et qu’il a reconnue par une perfidie. Je m’en excusai, en disant que je m’étois promis à moi-même de n’être jamais cardinal, par aucun moyen qui pût avoir le moindre rapport à la guerre civile, afin de faire connoître à la Reine que la seule nécessité m’avoit séparé de son service. Je me défis sur ce fondement de toutes les autres propositions qu’il me fit pour le paiement de mes dettes, pour la charge