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MÉMOIRES

M. le cardinal de Richelieu n’étoit pas de ce sentiment. Il croyoit, et avec raison, beaucoup de cœur à M. de La Meilleraye ; il estimoit même sa capacité dans la guerre infiniment au dessus de ce qu’elle méritoit, quoiqu’en effet elle ne fût pas méprisable. Enfin il le destinoit à la place que nous avons vu avoir été tenue depuis si glorieusement par M. de Turenne.

Vous jugez assez, par ce que je viens de vous dire, de la brouillerie du dedans de la maison de M. le cardinal de Richelieu, et de l’intérêt qu’il avoit à la démêler. Il y travailla avec application, et il ne crut pas y pouvoir mieux réussir qu’en réunissant ces deux chefs de cabale dans une confiance qu’il n’eut pour personne, et qu’il eut uniquement pour eux deux. Il les mit pour cet effet, en commun et par indivis, dans la confidence de ses galanteries, qui en vérité ne répondoient en rien à la grandeur de ses actions ni à l’éclat de sa vie : car Marion de Lorme, qui étoit un peu moins qu’une prostituée, fut un des objets de son amour, et elle le sacrifia à des Barreaux. Madame de Fruges, que vous voyez traînante dans les cabinets sous le nom de vieille femme, en fut un autre. La première venoit chez lui la nuit. Il alloit aussi la nuit chez la seconde, qui étoit déjà un reste de Buckingham et de L’Epienne. Ces deux confidens, qui avoient fait entre eux une paix fourrée, l’y menoient en habit de couleur ; et madame de Guémené faillit d’être la victime de cette paix fourrée.

M. de La Meilleraye, que l’on appeloit le grand-maître, étoit devenu amoureux d’elle, mais elle ne l’étoit nullement de lui. Comme il étoit, et par son na-