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MÉMOIRES

nions chez une dame du pays, à une lieue de Machecoul, en se regardant dans un miroir qui étoit dans la ruelle, elle montra tout ce que la morbidezza des Italiens a de plus tendre, de plus animé et de plus touchant. Mais par malheur elle ne prit pas garde que Palluau[1], qui a depuis été maréchal de Clérembault, étoit au point de vue du miroir. Il le remarqua, et comme il étoit fort attaché à madame de Retz, avec laquelle, étant fille, il avoit eu beaucoup de commerce, il ne manqua pas de lui en rendre un compte fidèle ; et il m’assura même, à ce qu’il m’a dit lui-même depuis, que ce qu’il avoit vu ne pouvoit pas être un original.

Madame de Retz, qui haïssoit mortellement sa sœur, en avertit dès le soir même monsieur son père, qui ne manqua pas d’en donner part au mien. Le lendemain l’ordinaire de Paris arriva ; l’on feignit d’avoir reçu des lettres bien pressantes : l’on dit un adieu aux dames fort léger et fort public. Mon père me mena coucher à Nantes. Je fus, comme vous le pouvez juger, et fort surpris et fort touché. Je ne savois pas à quoi attribuer la promptitude de ce départ : je ne pouvois me reprocher aucune imprudence ; je n’avois pas le moindre doute que Palluau eût pu avoir rien vu. Je fus un peu éclairci à Orléans, où mon frère, appréhendant que je ne m’échappasse (ce que j’avois vainement tenté plusieurs fois dès Tours), se saisit de ma cassette, où étoit mon argent. Je connus par ce procédé que j’avois été pénétré, et j’arrivai à Paris avec la douleur que vous pouvez vous imaginer.

  1. Philippe de Clérambault, comte de Palluau, mort le 24 juillet 1665, âgé de cinquante-neuf ans. (A. E.)