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DU CARDINAL DE RETZ.

même qu’il eût lui-même juré, dans le plus intérieur de son cœur, qu’il n’avoit en cela d’autre mouvement que celui qui lui étoit inspiré par l’appréhension des périls auxquels la profession contraire exposeroit mon ame : tant il est vrai qu’il n’y a rien qui soit si sujet à l’illusion que la piété. Toutes sortes d’erreurs se glissent et se cachent sous son voile : elle consacre toutes sortes d’imaginations ; et la meilleure intention ne suffit pas pour y faire éviter les travers. Enfin, après tout ce que je viens de vous raconter, je demeurai homme d’Église ; mais ce n’eût pas été assurément pour long-temps, sans un incident dont je vais vous rendre compte.

M. le duc de Retz, aîné de notre maison, rompit dans ce temps-là, par le commandement du Roi, le traité de mariage qui avoit été accordé quelques années auparavant entre M. le duc de Mercœur[1] et sa fille. Il vint trouver mon père dès le lendemain, et le surprit très-agréablement, en lui disant qu’il étoit résolu de la donner à son cousin pour réunir la maison. Comme je savois qu’elle avoit une sœur qui possédoit plus de quatre-vingt mille livres de rente, je songeai au même moment à la double alliance. Je n’espérois pas que l’on y pensât pour moi, connoissant le terrain comme je le connoissois ; et je pris le parti de me pourvoir de moi-même. Comme j’eus quelque lumière que mon père n’étoit pas dans le dessein de me mener aux noces, peut-être en vue de ce qui en arriva, je fis semblant de me radoucir à l’égard de ma profession. Je feignis d’être touché de ce que l’on m’avoit

  1. Louis, duc de Mercœur, depuis cardinal de Vendôme, père de M. le duc de Vendôme et de M. le grand prieur ; mort en 1669 (A. E.)