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véritable objet. Il aimoit l'intrigue pour intriguer : esprit hardi, délié, vaste, et un peu romanesque ; sachant tirer parti de l’autorité que son état lui donnoit sur le peuple, et faisant servir la religion à sa politique ; cherchant quelquefois à se faire un mérite de ce qu’il ne devoit qu’au hasard, et ajustant souvent après coup les moyens aux événemens. Il fit la guerre au Roi, mais le personnage de rebelle étoit ce qui le flattoit le plus dans la rébellion. Magnifique, bel esprit, turbulent, ayant plus de saillies que de suite, plus de chimères que de vues ; déplacé dans une monarchie, et n’ayant pas ce qu’il falloit pour être républicain, parce qu’il n’étoit ni sujet fidèle ni bon citoyen ; aussi vain, plus hardi et moins honnête homme que Cicéron ; enfin plus d’esprit, moins grand et moins méchant que Catilina. Ses Mémoires sont très-agréables à lire : mais conçoit-on qu’un homme ait le courage ou plutôt la folie de dire de lui-même plus de mal que n’en eût pu dire son plus grand ennemi ? »

On voit que l’historien emprunte quelques traits à La Rochefoucauld ; mais il est bien moins indulgent à l’égard d’un homme qu’il a été plus à portée d’apprécier.

Les Mémoires du cardinal de Retz commencèrent à circuler manuscrits dans les dernières années du règne de Louis xiv. Lenglet-Dufresnoy tenoit de d’Audifret, envoyé de France près du duc dé Lorraine, que l’auteur avoit chargé des religieuses de les copier, et qu’elles y firent quelques suppressions. Si l’on en croit Brossette, l’original passa ensuite entre les mains de la princesse douairière de Conti, qui le prêta à la jeune princesse du même nom : celle-ci en fit tirer