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une belle cassolette d’argent destinée à la fille de madame de Sévigné : celle-ci crut devoir la refuser ; mais sa mère lui fit sentir qu’il y auroit de l’inconvenance et même de l’ingratitude à se conduire ainsi à l’égard d’un parent. « Je crois, dit-elle, n’avoir pas l’ame trop intéressée, et j’en ai des preuves ; mais je pense qu’il y a des occasions où c’est une rudesse et même une ingratitude de refuser. Que manque-t-il à M. le cardinal pour être en droit de vous faire un tel présent ? À qui voulez-vous qu’il envoie cette bagatelle ? Il a donné sa vaisselle à ses créanciers ; s’il y ajoute ce bijou, il en aura bien cent écus : c’est une curiosité, c’est un souvenir, c’est de quoi parer un cabinet. On reçoit tout simplement, avec tendresse et respect, ces sortes de présens ; et, comme il disoit cet hiver, il est au dessous du magnanime de les refuser : c’est les estimer trop que d’y faire tant d’attention. »

Retz affectoit depuis quelques années une grande dévotion : il s’étoit mis sous la direction d’Arnauld, et les jansénistes ne négligeoient rien pour faire croire que sa conversion étoit aussi sincère qu’elle étoit éclatante. Ce fut à cette réputation de sainteté qu’il dut l’accueil qu’on lui fit à Saint-Mihel. « Il a été reçu, dit madame de Sévigné, avec des transports de joie : tout le peuple étoit à genoux, et le recevoit comme une sauvegarde que Dieu leur envoie. » Il y avoit long-temps que ses amis le pressoient d’écrire ses Mémoires ; et il paroît qu’il les commença dès les premiers momens de son séjour à Saint-Mihel. L’esprit dans lequel ils sont composés n’annonce dans l’auteur ni changement de principes, ni repentir des