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notice

j’ai embrassé notre cher cardinal avec beaucoup de larmes, et sans pouvoir dire un mot aux autres. Je suis revenue tristement ici, où je ne puis me remettre de cette séparation (mercredi 19 juin). »

Quoique cette lettre et les précédentes annoncent dans celle qui les a écrites l’amitié la plus sincère pour le cardinal, madame de Sévigné ne s’aveugloit pas entièrement sur ses défauts et sur ses anciens torts. Dans le même temps le duc de La Rochefoucauld fit de ce prélat un portrait qui, sans être flatté, respiroit cependant l’indulgence que le monde étoit alors disposé à lui accorder : les personnes choisies, à l’examen desquelles ce morceau fut soumis, y trouvèrent une vérité frappante et madame de Sévigné le transmit à sa fille, en en portant le même jugement. « Celui qui l’a fait, lui dit-elle, n’est point son ami intime ; il n’a nul dessein que le cardinal le voie, ni que cet écrit coure ; il n’a point prétendu le louer. Le portrait m’a paru très-bon, pour toutes ces raisons. Je vous l’envoie, et vous prie de n’en donner aucune copie : on est si lassé des louanges en face, qu’il y a du ragoût à pouvoir être assuré que l’on n’a eu nul dessein de faire plaisir, et que voilà ce qu’on dit quand on dit la vérité toute « naïve. »

Voici ce morceau, où l’on reconnoîtra la touche fine et délicate de l’auteur des Maximes.

« Paul de Gondy, cardinal de Retz, a beaucoup d’élévation, d’étendue d’esprit, et plus d’ostentation que de vraie grandeur de courage. Il a une mémoire extraordinaire ; plus de force que de politesse dans ses paroles ; l’humeur facile ; de la docilité et de la