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[1649] MÉMOIRES

M. d’Elbœuf reçut un billet de chez lui, qui portoit que don Gabriel de Tolède y étoit arrivé. Nous ne doutâmes pas qu’il n’apportât la ratification du traité que messieurs les généraux avoient signé, et nous l’allâmes voir dans le carrosse de M. d’Elbœuf, M. de Bouillon et moi. Il apportoit effectivement la ratification de M. l’Archiduc ; mais il venoit particulièrement pour essayer de renouer le traité pour la paix générale que j’avois proposé. Comme il étoit d’un naturel assez impétueux, il ne se put empêcher de témoigner même un peu aigrement, à M. de Bouillon, qu’on n’étoit pas fort satisfait d’eux à Bruxelles. Il leur fut aisé de le contenter, en lui disant que l’on venoit de prendre la résolution de revenir à ce traité ; qu’il étoit venu tout à propos pour cela, et que le lendemain il en verroit des effets. Il vint souper avec madame de Bouillon, qu’il avoit connue autrefois lorsqu’elle étoit dame du palais de l’infante ; et il lui dit en confidence que l’archiduc lui seroit obligé, si elle pouvoit faire en sorte que je reçusse dix mille pistoîes que le roi d’Espagne l’avoit chargé de me donner de sa part. Madame de Bouillon n’oublia rien pour me le persuader, mais elle n’y réussit pas. Je m’en démêlai avec beaucoup de respect, mais d’une manière qui fit connoître aux Espagnols que je ne prendrois pas aisément de leur argent. Ce refus m’a coûté cher depuis, non par lui-même en cette occasion, mais par l’habitude qu’il me donna à prendre la même conduite dans des conjonctures où il eût été du bon sens de recevoir ce qu’on m’offroit, quand même je l’eusse dû jeter dans la rivière. Ce n’est pas toujours jeu sûr de refuser