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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

mer, qui, à la tête d’un nombre infini de peuple, dont la plus grande partie avoit le poignard à la main, lui dit qu’il vouloit qu’on lui donnât les articles de la paix, pour faire brûler par la main du bourreau et dans la Grève la signature du Mazarin ; que si les députés avoient signé de leur gré, il les falloit pendre ; que si on les y avoit forcés, il falloit désavouer. Le président de Novion, fort embarrassé, représenta à Duboisle qu’on ne pouvoit brûler la signature du cardinal sans brûler celle de M. le duc d’Orléans : mais que l’on étoit sur le point de renvoyer les députés, pour faire réformer les articles. On n’entendoit cependant dans la salle, dans les galeries et dans la cour du Palais que des voix confuses : Point de paix, point de Mazarin ! Il faut aller à Saint-Germain quérir notre bon Roi ; il faut jeter dans la rivière tous les mazarins.

M. le premier président témoigna une intrépidité extraordinaire. Quoiqu’il se vît l’objet de la fureur du peuple, on ne vit pas un mouvement sur son visage qui ne marquât une fermeté inébranlable, et une présence d’esprit presque surnaturelle : ce qui est quelque chose de plus grand que la fermeté. Il prit les voix avec la même liberté d’esprit qu’il l’auroit fait dans les audiences ordinaires ; il prononça de même ton l’arrêt formé sur la proposition de messieurs Le Coigneux et de Bellièvre. Cet arrêt portoit que les députés retourneroient à Ruel, pour y traiter des prétentions et des intérêts de messieurs les généraux et de tous les autres qui étoient joints au parti, pour obtenir que M. le cardinal Mazarin ne signât pas dans le traité qui se feroit tant sur ce chef que sur