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[1649] MÉMOIRES

un agneau ; et il me parut qu’il eût enchéri, s’il eût osé, sur l’avis de M. de Bouillon.

Le chevalier de Fruges, frère de la vieille Fiennes, qui ne servoit dans notre parti que de double espion, sous le titre toutefois de commandant du régiment d’Elbœuf, m’ayoit averti, comme j’entrois dans l’hôtel-de-ville, qu’il croyoit son maître accommodé. M. de Beaufort fit connoître par ses manières que madame de Montbazon avoit essayé de modérer ses emportemens. Mais comme j’étois assuré que je l’emporterois toujours sur elle, l’irrésolution qu’il témoigna d’abord ne m’eût pas embarrassé ; et en joignant sa voix à celle de messieurs de Brissac, de La Mothe, de Noirmoutier et de Bellièvre, qui entrèrent tout-à-fait dans mon sentiment, j’eusse emporté de beaucoup la balance, si la considération de M. de Turenne, qui étoit dans ce moment la grosse corde du parti, et celle que M. de Bouillon avoit avec les Espagnols par les anciennes mesures qu’il avoit toujours conservées avec Fuensaldagne, ne m’eussent obligé de me faire honneur de ce qui n’étoit qu’un parti de nécessité. J’avois été la veille chez les envoyés de l’archiduc, pour essayer de pénétrer s’ils étoient toujours aussi attachés à traiter avec nous, sur le seul engagement que nous prendrions nous-mêmes sur la paix générale, qu’ils me l’avoient toujours dit, et que M. et madame de Bouillon me l’avoient prêché. Je les trouvai l’un et l’autre absolument changés : ils vouloient toujours un engagement pour la paix générale, mais ils le vouloient à la mode de M. de Bouillon, c’est-à-dire à deux fois. Il leur avoit mis dans l’esprit qu’il seroit bien plus avantageux pour eux en cette manière,