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[1649] MÉMOIRES

buois à le perdre, sans avoir de quoi suppléer par un parti dont le fond fût français et non odieux, je pouvois être réduit fort aisément à devenir dans Bruxelles une copie des exilés de la Ligue ; que pour lui M. de Bouillon, il y trouveroit mieux son compte que moi, par sa capacité dans la guerre, et par les établissemens que l’Espagne lui pourroit donner ; mais qu’il devoit toutefois se ressouvenir de M. d’Aumale, qui étoit tombé à rien dès qu’il n’avoit eu que la protection d’Espagne ; qu’il étoit nécessaire pour lui et pour moi de faire un fonds certain au dedans du royaume avant que de songer à se détacher du parlement, et se résoudre même à en souffrir, jusqu’à ce que nous eussions vu clair à la marche de l’armée d’Espagne, au campement de nos troupes et à la déclaration de M. de Turenne, qui étoit la pièce décisive, en ce qu’elle donnoit au parti un corps indépendant des étrangers ; ou plutôt parce qu’elle formoit elle-même un parti purement français, et capable de soutenir les affaires par son propre poids. Ce fut cette dernière considération qui emporta madame de Bouillon, qui étoit rentrée dans la chambre de son mari aussitôt que les généraux en furent sortis. Elle s’irrita bien fort quand elle sut que la compagnie s’étoit séparée sans résoudre de se rendre maître du parlement ; et elle dit à M. de Bouillon : « Je vous l’avois bien dit que vous vous laisseriez aller à M. le coadjuteur. » Il lui répondit : « Voulez-vous, madame, que M. le coadjuteur hasarde pour nos intérêts de devenir l’aumônier de Fuensaldagne ? Est-il possible que vous n’ayez pas compris ce qu’il vous prêche depuis trois jours ? » Je pris la parole sans émotion, en