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[1649] MÉMOIRES

pour cela, que de tirer notre armée de Paris, de la poster en quelque lieu où elle puisse être hors de l’insulte des ennemis, d’où elle puisse toutefois favoriser nos convois ; et de se faire demander cette sortie par le parlement même, afin qu’il n’en prenne point d’ombrage, ou qu’il n’en prenne que quand il sera bon pour nous qu’il en ait. Cette précaution, jointe aux autres que vous avez déjà résolues, fera que cette compagnie, presque sans s’en être aperçue, se trouvera dans la nécessité d’agir de concert avec nous : et la faveur des peuples, par laquelle seule nous la pouvons véritablement retenir, ne lui paroîtra plus une fumée, dès qu’elle la verra fortifiée et comme épaissie par une armée qu’elle ne croira plus entre ses mains. »

Voilà ce que j’écrivis sur la table du cabinet de madame de Bouillon. Je le leur lus aussitôt après, et je remarquai qu’à l’endroit où je proposois de faire sortir l’armée de Paris, elle fit signe à monsieur son mari, qui, à l’instant que j’eus achevé ma lecture, la tira à part, et lui parla près d’un demi quart-d’heure ; après quoi il me dit : « Vous avez une si grande connoissance de l’état de Paris, et j’en ai si peu, que vous me devez excuser si je n’en parle pas juste. Je vais fortifier vos raisons par un secret que nous vous allons dire, pourvu que vous nous promettiez sur votre salut de nous le garder pour tout le monde, et particulièrement à l’égard de mademoiselle de Bouillon[1]. » Il continua en ces termes : « M. de Turenne nous écrit qu’il est sur le point de

  1. Charlotte de La Tour, morte sans alliance en 1662. (A. E.)