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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

l’instruction dont je viens de parler, n’étoit plus mon compte. Il ne pouvoit plus y avoir de secret dans un traité qui, de nécessité, devoit être commun avec des généraux dont les uns m’étoient suspects, et les autres redoutables. J’apercevois que M. de La Rochefoucauld avoit fort altéré les bons sentimens de madame de Longueville et la force du maréchal de La Mothe. Je n’ai rien à vous dire de M. d’Elbœuf. Je considérois M. de Bouillon soutenu par l’Espagne, avec laquelle il avoit, à cause de Sedan, les intérêts les plus naturels, et comme un nouveau duc de Mayenne, qui en auroit mille autres au premier jour tout-à-fait séparés de ceux de Paris, et qui pourroit bien avec le temps, assisté de l’intrigue et de l’argent de Castille, chasser le coadjuteur de Paris, comme le vieux M. de Mayenne[1] en avoit chassé à la Ligue le cardinal de Gondy[2], son grand-oncle. Dans la conférence que j’eus avec M. et madame de Bouillon touchant l’envoyé, je ne leur cachai rien de mes raisons, sans en excepter même la dernière, que j’assaisonnai, comme vous pouvez juger, de toute la raillerie la plus douce et la plus honnête qu’il me fut possible. Madame de Bouillon, qui ne faisoit ou qui ne disoit jamais de galanterie que de concert avec son mari, n’oublia rien de toute celle qui l’eût rendue l’une des plus aimables personnes du monde, quand même elle eût été aussi laide qu’elle étoit belle, pour me persuader que je ne devois point balancer à traiter ; et que monsieur son

  1. Charles de Lorraine, duc de Mayenne, chef de la Ligue, mort à Soissons en 1611. (A. E.)
  2. Pierre de Gondy, cardinal évêque de Paris, mort en 1616. Il étoit frère d’Albert de Gondy, père de Philippe-Emmanuel de Gondy, qui l’étoit de Jean-François-Paul, auteur de ces Mémoires. (A. E.)