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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

la fortune, elle n’avoit jamais aimé le mieux ce qu’elle avoit estimé le plus, à la réserve toutefois, ajouta-t-elle, du pauvre Buckingham. Son dévouement à la passion, que l’on pouvoit dire éternelle, quoiqu’elle changeât d’objet, n’empêchoit pas qu’une mouche ne lui donnât des distractions ; mais elle en revenoit toujours avec des emportemens qui les faisoient trouver agréables. Jamais personne n’a moins fait d’attention sur les périls, et jamais femme n’a eu plus de mépris pour les scrupules et pour les devoirs : elle ne se connoissoit que celui de plaire à son amant.

Mademoiselle de Chevreuse[1] qui avoit plus de beauté que d’agrément, étoit sotte jusqu’au ridicule par son naturel. La passion lui donnoit de l’esprit, et même du sérieux et de l’agréable, uniquement pour celui qu’elle aimoit ; mais elle le traitoit bientôt comme ses jupes, qu’elle mettoit dans son lit quand elles lui plaisoient, et qu’elle brûloit, par une pure aversion, deux jours après.

Madame la princesse palatine[2] estimoit autant la galanterie qu’elle en aimoit le solide. Je ne crois pas que la reine Elisabeth d’Angleterre ait eu plus de capacité pour conduire un État. Je l’ai vue dans la faction, je l’ai vue dans le cabinet, et je lui ai trouvé partout également de la sincérité.

Madame de Montbazon étoit d’une très-grande beauté : la modestie manquoit à son air. Sa morgue, si l’on peut le dire, et son jargon eussent suppléé

  1. Charlotte-Marie, dite mademoiselle de Chevreuse. (A. E.)
  2. Anne de Gonzague-Clèves, mariée en 1645 avec Édouard de Bavière, prince palatin du Rhin. Elle étoit fille de Charles, duc de Mantoue-Nevers. (A. E.)