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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

le premier prince que sa pauvreté a avili ; et peut-être jamais homme n’a eu moins que lui l’art de se faire plaindre dans sa misère. La commodité ne le releva pas ; et s’il fût parvenu jusqu’à la richesse, on l’eût envié comme un partisan, tant la gueuserie lui paroissoit propre et faite pour lui.

M. de Bouillon étoit d’une valeur éprouvée et d’un sens profond. Je suis persuadé, par ce que j’ai vu de sa conduite, que l’on a fait tort à sa réputation quand on l’a décriée. Je ne sais si l’on n’a pas fait quelque faveur à son mérite, en le croyant capable de toutes les grandes choses qu’il n’a point faites.

M. de Turenne a eu dès sa jeunesse toutes les bonnes qualités, et il a acquis les grandes d’assez bonne heure. Il ne lui en a manqué aucune, que celles dont il ne s’est point avisé. Il avoit presque toutes les vertus comme naturelles ; il n’a jamais eu le brillant d’aucune. On l’a cru plus capable d’être à la tête d’une armée que d’un parti, et je le crois aussi, parce qu’il n’étoit pas naturellement entreprenant : mais toutefois qui le sait ? Il a toujours eu en tout, comme en son parler, de certaines obscurités qui ne se sont développées que dans les occasions, mais qui ne s’y sont jamais développées qu’à sa gloire.

Le maréchal de La Mothe avoit beaucoup de cœur. Il étoit capitaine de la seconde classe ; il n’étoit pas homme de beaucoup de sens ; il avoit assez de douceur et de facilité dans la vie civile ; il étoit très-utile dans un parti, parce qu’il y étoit très commode.

J’oubliois presque M. le prince de Conti : ce qui est un bon signe pour un chef de parti. Je ne crois pas