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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

intérêt ; mais il n’en sortit jamais qu’avec honte, parce qu’il n’avoit pas le courage de les soutenir. Cet ombrage amortit dès sa jeunesse en lui les couleurs même les plus vives et les plus gaies qui devoient briller naturellement dans un esprit beau et éclairé, dans un enjouement aimable, dans une intention très-bonne, dans un désintéressement complet, et dans une facilité de mœurs incroyable.

M. le prince est né capitaine : ce qui n’est jamais arrivé qu’à lui, à César et à Spinola. Il a égalé le premier, il a passé le second. L’intrépidité est l’un des moindres traits de son caractère. La nature lui avoit fait l’esprit aussi grand que le cœur ; la fortune, en le donnant à un siècle de guerre, a laissé au second toute son étendue ; la naissance, ou plutôt l’éducation dans une maison attachée et soumise au cabinet, a donné des bornes trop étroites au premier. On ne lui a pas inspiré de bonne heure les grandes et générales maximes, qui sont celles qui font et qui forment ce que l’on appelle l’esprit de suite. Il n’a pas eu le temps de les prendre par lui-même, parce qu’il a été prévenu dès sa jeunesse par la chute imprévue des grandes affaires, et par l’habitude au bonheur. Ce défaut a fait qu’avec l’ame du monde la moins méchante, il a fait des injustices ; qu’avec le cœur d’Alexandre, il n’a pas été exempt, non plus que lui, de foiblesse ; qu’avec un esprit merveilleux, il est tombé dans des imprudences ; qu’ayant toutes les qualités de François de Guise, il n’a pas servi l’État en de certaines occasions aussi bien qu’il le devoit ; et qu’ayant toutes celles de Henri du même nom, il n’a pas poussé la faction où il le pouvoit. Il n’a pu remplir