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[1649] MÉMOIRES

bule dont vous venez de sortir, et où vous n’avez vu que les peintures légères des préliminaires de la guerre civile. Voici la galerie où les figures vous paroîtront dans leur étendue, et où je vous représenterai les personnages que vous verrez plus avant dans l’action. Vous jugerez, par les tableaux et les traits particuliers que vous pourrez remarquer dans la suite, si j’en ai bien pris l’idée. Voici le portrait de la Reine, par lequel il est juste de commencer :

La Reine avoit, plus que personne que j’aie jamais vue, de cette sorte d’esprit qui lui étoit nécessaire pour ne pas paroître sotte à ceux qui ne la connoissoient pas. Elle avoit plus d’aigreur que de hauteur, plus de hauteur que de grandeur, plus de manière que de fond, plus d’application à l’argent que de libéralité, plus de libéralité que d’intérêt, plus d’intérêt que de désintéressement, plus d’attachement que de passion, plus de dureté que de fierté, plus de mémoire des injures que des bienfaits, plus d’intention de piété que de piété, plus d’opiniâtreté que de fermeté, et plus d’incapacité que de tout ce que j’ai dit ci-dessus.

M. le duc d’Orléans avoit, à l’exception du courage, tout ce qui étoit nécessaire à un honnête homme : mais comme il n’avoit rien, sans exception, de tout ce qui peut distinguer un grand homme, il ne trouvoit rien dans lui-même qui pût suppléer ni même soutenir sa foiblesse. Comme elle régnoit dans son cœur par la frayeur, et dans son esprit par l’irrésolution, elle salit tout le cours de sa vie. Il entra dans toutes les affaires, parce qu’il n’avoit pas la force de résister à ceux mêmes qui l’y entraînoient pour leur