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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

il est à propos de vous rendre compte, parce qu’elle eut beaucoup plus de suites qu’elle ne méritoit. Noirmoutier, qui avoit été fait la veille lieutenant général, sortit avec cinq cents chevaux de Paris, pour pousser des escarmoucheurs des troupes, que nous appelions des mazarins, qui venoient faire le coup de pistolet dans le faubourg. Comme il revint descendre à l’hôtel-de-ville, il entra avec Matha, Laigues et La Boulaye[1], encore tous cuirassés, dans la chambre de madame de Longueville, qui étoit toute pleine de dames. Ce mélange d’écharpes bleues, de dames, de cuirasses, de violons qui étoient dans la salle, et de trompettes qui étoient dans la place, donnoit un spectacle qui se voit plus souvent dans les romans qu’ailleurs. Noirmoutier, qui étoit grand amateur de l’Astrée, me dit : « Je m’imagine que nous sommes assiégés dans Marcilly. — Vous avez raison, lui répondis-je : madame de Longueville est aussi belle que Galathée ; mais Marcillac (M. de La Rochefoucauld le père n’étoit pas encore mort) n’est pas si honnête homme que Lindamor. » Je m’aperçus en me retournant que le petit Courtin, qui étoit dans une croisée, pouvoit m’avoir entendu : c’est ce que je n’ai jamais su au vrai ; mais je n’ai pu aussi jamais deviner d’autres causes de la première haine que M. de La Rochefoucauld a eue pour moi.

Je sais que vous aimez les portraits, et j’ai été fâché par cette raison de n’avoir pu vous en faire voir jusqu’ici presque aucun qui n’ait été de profil, et qui n’ait par conséquent été fort imparfait. Il me sembloit que je n’avois pas assez de grand jour dans le vesti-

  1. Maximilien Echabart, marquis de La Boulaye. (A. E.)