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[1649] MÉMOIRES

de joie, toutes les femmes pleuroient de tendresse. Je jetai cinq cents pistoles par les fenêtres de l’hôtel-de-ville ; et après avoir laissé Noirmoutier et Miron auprès des dames, je retournai au Palais, et j’y arrivai avec une foule innombrable de gens armés et non armés. Toucheprez, capitaine des gardes de M. d’Elbœuf, qui m’avoit fait suivre, étoit entré dans la seconde (chambre des enquêtes) un peu avant que je fusse dans la cour du Palais, pour avertir son maître, qui y étoit toujours demeuré, qu’il étoit perdu s’il ne s’accommodoit : ce qui fut cause que je le trouvai fort embarrassé et même fort abattu. Il le fut bien davantage quand M. de Bellièvre, qui l’avoit amusé à dessein, dit qu’est-ce que c’étoient des tambours qui battoient ? Je lui répondis qu’il en alloit bien entendre d’autres, et que les gens de bien étoient las de la division que l’on essayoit de faire dans la ville. Je connus à cet instant que l’esprit dans les grandes affaires n’est rien sans le cœur. M. d’Elbœuf ne garda plus même les apparences : il expliqua ridiculement ce qu’il avoit dit, il se rendit à plus qu’on ne voulut ; et il n’y eut que l’honnêteté et le bon sens de M. de Bouillon qui lui conservèrent la qualité de général, et le premier rang avec messieurs de Bouillon et de La Mothe, également généraux avec lui, sous l’auterité de M. le prince de Conti, déclaré dès le même instant généralissime des armées du Roi, sous les ordres du parlement.

Voilà ce qui se passa le matin du 11 janvier. L’après-dînée, M. d’Elbœuf, à qui l’on avoit donné cette commission pour le consoler, somma la Bastille ; et le soir il y eut une scène à l’hôtel-de-ville, de laquelle