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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

s’accommoderoient peut-être aux dépens de notre autorité ; mais nous en sommes plus loin que vous ne pensez. Ne voyez-vous pas que M. d’Elbœuf est pris pour dupe, et que ces gens-ci sont les maîtres. ? » Le président Le Coigneux, à qui je m’étois ouvert la nuit, éleva sa voix, et dit : « Il faut finir avant que de dîner, dussions-nous dîner à minuit. Parlons en particulier à ces messieurs. » Il pria en même temps M. le prince de Conti et M. de Longueville d’entrer dans la quatrième chambre des enquêtes, dans laquelle on entre de la grand’chambre.; et messieurs de Novion et de Bellièvre[1] qui étoient de notre correspondance, menèrent M. d’Elbœuf, qui se faisoit encore tenir à quatre dans la seconde. Comme je vis les affaires en pourparler, et la salle du Palais en état de n’en rien appréhender, j’allai en diligence prendre madame de Longueville et madame de Bouillon avec leurs enfans, et je les menai, avec une espèce de triomphe, à l’hôtel-de-ville. La petite vérole avoit laissé à madame de Longueville, comme je vous l’ai déjà dit en un autre lieu, tout l’éclat de sa beauté, quoiqu’elle l’eût un peu diminuée ; et celle de madame de Bouillon, bien qu’un peu effacée, étoit toujours très-brillante. Imaginez-vous, je vous prie, ces deux personnes sur le perron de l’hôtel-de-ville, plus belles en ce qu’elles paroissoient négligées, quoiqu’elles ne le fussent pas. Elles tenoient chacune entre leurs bras un de leurs enfans, beau comme leur mère. La Grève étoit pleine de peuple jusques au dessus des toits ; tous les hommes jetoient des cris

  1. Pomponne de Bellièvre, second du nom, mort premier président du parlement de Paris en 1657. (A. E.)