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[1649] MÉMOIRES

rompu la glace, et qui s’étoit offert le premier à la compagnie ; et qu’elle lui ayant fait l’honneur de lui confier le bâton de général, il ne le quitteroit jamais qu’avec la vie. La cohue du parlement, qui étoit, comme le peuple, en défiance de M. le prince de Conti, applaudit à cette déclaration, qui fut ornée de mille périphrases très-naturelles au style de M. d’Elbœuf. Toucheprez, capitaine de ses gardes, homme d’esprit et de cœur, les commenta dans la salle. Le parlement se leva, après avoir donné arrêt par lequel il enjoignoit, sous peine de crime de lèse-majesté, aux troupes de n’approcher Paris de vingt lieues ; et je vis bien que je devois me contenter, pour ce jour-là, de ramener M. le prince de Conti sain et sauf à l’hôtel de Longueville. Comme la foule étoit grande, il fallut que je le prisse presque entre mes bras au sortir de la grand’chambre. M. d’Elbœuf, qui croyoit être maître de tout, me dit d’un ton de raillerie, en entendant les cris du peuple, qui par reprise nommoient son nom et le mien ensemble : « Voilà, monsieur, un écho qui m’est bien glorieux. » À quoi je répondis : « Vous êtes trop honnête ; » mais d’un ton un peu plus gai qu’il ne me l’avoit dit : car, quoiqu’il crût ses affaires en fort bon état, je jugeai sans balancer que les miennes seroient bientôt dans une meilleure condition que les siennes, dès que je vis qu’il avoit encore manqué cette seconde occasion. Le crédit parmi les peuples, cultivé et nourri de longue main, ne manque jamais à étouffer, pour peu qu’il ait de temps pour germer, ces fleurs minces et naissantes de la bienveillance publique, que le pur hasard fait quelquefois pousser. Je ne