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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

arrivâmes au Palais avant M. d’Elbœuf ; l’on cria sur les degrés de la salle : vive le coadjuteur ! Mais, à la réserve des gens que j’y avois fait trouver, personne ne cria vive Conti ! Et comme Paris fournit un monde plutôt qu’un nombre dans les émotions, quoique j’y eusse beaucoup de gens apostés, il me fut aisé de juger que le gros du peuple n’étoit pas guéri de la défiance ; et je vous confesse que je fus bien aise quand j’eus tiré le prince de la salle, et que je l’eus mis dans la grand’chambre.

M. d’Elbœuf arriva un moment après, suivi de tous les gardes de la ville, qui l’accompagnoient depuis le matin comme général. Le peuple éclatoit de toutes parts : vive Son Altesse M. d’Elbœuf ! Et comme on crioit en même temps vive le coadjuteur ! je l’abordai avec un visage riant, et je lui dis : « Voici un écho, monsieur, qui m’est bien glorieux. — Vous êtes trop honnête, me répondit-il ; » et en se tournant aux gardes, il leur dit : « Demeurez à la porte de la grand’chambre. » Je pris cet ordre pour moi, et j’y demeurai pareillement avec ce que j’avois de gens le plus à moi, qui étoient en bon nombre. Comme le parlement fut assis, M. le prince de Conti prit la parole, et dit qu’ayant connu à Saint-Germain les pernicieux conseils que l’on donnoit à la Reine, il avoit cru qu’il étoit obligé, par sa qualité de prince du sang, de s’y opposer. Vous voyez assez la suite de ce discours. M. d’Elbœuf, qui, selon le caractère de tous les gens foibles, étoit rogue et fier parce qu’il se croyoit le plus fort, dit qu’il savoit le respect qu’il devoit à M. le prince de Conti : mais qu’il ne pouvoit s’empêcher de dire que c’étoit lui qui avoit