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[1649] MÉMOIRES

la ville, ne les veut pas laisser entrer. » Je m’habillai en diligence, j’allai prendre le bonhomme Broussel, je fis allumer huit ou dix flambeaux, et nous allâmes en cet ëquipage à la porte Saint-Honoré. Nous trouvâmes déjà tant de monde dans la rue, que nous eûmes peine à percer la foule ; et il étoit grand jour quand nous fîmes ouvrir la porte, parce que nous employâmes beaucoup de temps à rassurer les esprits, qui étoient dans une défiance inimaginable. Nous haranguâmes le peuple, et nous amenâmes à l’hôtel de Longueville M. le prince de Conti et monsieur son beau-frère.

J’allai en même temps chez M. d’Elbœuf, lui faire une manière de compliment qui sans doute ne lui eût pas plu : car c’étoit pour lui proposer de ne pas aller au Palais, ou au moins de n’y aller qu’avec les autres, et après avoir conféré ensemble de ce qu’il y auroit à faire pour le bien du parti. La défiance générale de tout ce qui avoit le moins du monde rapport à M. le prince nous obligeoit de ménager avec bien de la douceur ces premiers momens. Ce qui eût peut-être été facile la veille eût été impossible et même ruineux le matin du jour suivant ; et ce M. d’Elbœuf, que je croyois pouvoir chasser de Paris le 9, m’en eût chassé apparemment le 10, s’il eût su prendre son parti : tant le nom de Condé étoit suspect au peuple.

Dès que je vis qu’il avoit manqué le moment dans lequel nous fîmes entrer M. le prince de Conti, je ne doutai point que comme le fond des cœurs étoit pour nous, je ne les amenasse avec un peu de temps où il me plairoit ; mais il falloit ce peu de temps. C’est pourquoi mon avis fut (et il n’y en avoit point d’autre) de ménager