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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

qui il se croyoit raccommodé, me fit voir un billet qu’il lui avoit écrit de la porte Saint-Honoré en entrant dans la ville, où étoient ces propres mots : Il faut aller faire hommage au coadjuteur ; dans trois jours il me rendra ses devoirs. Le billet étoit signé L’Ami du cœur. Je n’avois pas besoin de cette preuve pour savoir qu’il ne m’aimoit pas. J’avois été autrefois brouillé avec lui, et je l’avois prié un peu brusquement de se taire à un bal chez madame de Peroché, dans lequel il me sembloit qu’il vouloit faire une raillerie de M. le comte, qu’il haïssoit fort, parce qu’ils étoient tous deux en ce temps-là amoureux de madame de Montbazon.

Après avoir couru la ville jusqu’à deux heures, je revins chez moi, presque résolu de me déclarer publiquement contre M. d’Elbreuf, de l’accuser d’intelligence avec la cour, de faire prendre les armes, et de le prendre lui-même, ou de l’obliger à sortir de Paris. Je me sentois assez de crédit dans le peuple pour le pouvoir entreprendre judicieusement ; mais il faut avouer que l’extrémité étoit grande par une infinité de circonstances, et particulièrement par celle d’un mouvement qui ne pouvoit pas être médiocre dans une ville investie, et investie par un roi.

Comme je roulois toutes ces différentes pensées dans ma tête, qui n’étoit pas, comme vous vous pouvez imaginer, peu agitée, l’on me vint dire que le chevalier de La Chaise, qui étoit à M. de Longuevilîe, étoit à la porte de ma chambre. Il me cria en entrant : « Levez-vous, monsieur ; M. le prince de Conti et M. de Longueville sont à la porte Saint-Honoré ; et le peuple, qui crie et qui dit qu’ils viennent pour trahir