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[1649] MÉMOIRES

lui porta ma lettre, avec hauteur et mépris. Le second ne put s’empêcher, en me plaignant, de témoigner de la colère. La Rivière éclata contre moi par des railleries, et le chevalier de Sévigné vit clairement que les uns et les autres étoient persuadés qu’ils nous auroient dès le lendemain, la corde au cou.

Je ne fus pas beaucoup ému de leurs menaces ; mais je fus très-touché d’une nouvelle que j’appris le même jour, qui étoit que M. de Longueville, comme je vous l’ai dit, revenant de Rouen, où il avoit fait un voyage de dix ou douze jours, et ayant appris la sortie du Roi à cinq heures de Paris, avoit tourné tout court à Saint-Germain. Madame de Longueville ne douta pas que M. le prince ne l’eût gagné, et qu’ainsi M. le prince de Conti ne fût infailliblement arrêté. Le maréchal de La Mothe lui déclara en ma présence qu’il feroit sans exception tout ce que M. de Longueville voudroit et pour et contre la cour. M. de Bouillon se prenoit à moi de ce que des gens dont je l’avois toujours assuré tenoient une conduite aussi contraire à ce que je lui en avois dit mille fois. Jugez, je vous prie, de mon embarras, qui étoit d’autant plus grand que madame de Longueville me protestoit qu’elle n’avoit eu de tout le jour aucunes nouvelles de M. de La Rochefoucauld, qui étoit toutefois parti deux heures après le Roi pour fortifier et pour ramener M. le prince de Conti.

Saint-Ibal revint encore à la charge pour m’obliger de l’envoyer sans différer au comte de Fuensaldagne. Je ne fus pas de son opinion, et je pris le parti de faire repartir pour Saint-Germain le marquis de Noirmoutier, qui s’étoit lié avec moi depuis quelque temps, pour savoir par son moyen ce que l’on pouvoit atten-