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[1649] MÉMOIRES

étoit absolument entre ses mains. Toutes ces idées me frappèrent tout d’un coup l’imagination, et y firent naître celle dont je vous rendrai compte, après que je vous aurai un peu éclairci le detail de ce que je viens de vous toucher. Mademoiselle de Bourbon avoit eu l’amitié du monde la plus tendre pour monsieur son frère aîné ; et madame de Longueville, quelque temps après son mariage, prit une rage et une fureur contre lui, qui passa jusques à un excès incroyable. Vous croyez aisément qu’il n’en falloit pas davantage dans le monde pour faire faire des commentaires fâcheux sur une histoire de laquelle on ne voyoit pas les motifs. Je ne les ai jamais pu pénétrer ; mais j’ai toujours été persuadé que ce qui s’en disoit dans la cour n’étoit pas véritable, parce que s’il eût été vrai qu’il y eût eu de la passion dans leur amitié, M. le prince n’auroit pas conservé pour elle la tendresse qu’il conserva toujours, dans la chaleur même de l’affaire de Coligny. J’ai observé qu’ils ne se brouillèrent qu’après sa mort ; et je sais de science certaine que M. le prince savoit que madame sa sœur aimoit véritablement Coligny. L’amour passionné du prince de Conti pour elle donna à cette maison un certain air d’inceste, quoique fort injustement, que la raison au contraire que je viens de vous alléguer, quoique à mon sens décisive, ne put dissiper.

Je vous ai marqué ci-dessus que la disposition où je trouvai madame de Longueville me donna lieu à préparer une défense pour Paris plus proche, plus naturelle et moins odieuse que celle d’Espagne. Je connoissois bien la foiblesse de M. le prince de Conti, presque encore enfant ;