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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

leur paroît aujourd’hui plus léger leur paroît demain plus pesant. Voilà justement ce qui fit le changement de M. le prince, sur lequel il faut confesser que ce qui n’a pas honoré sa vue, ou plutôt sa résolution, a bien justifié son intention. L’on ne peut nier que s’il eût conduit aussi prudemment la bonne intention qu’il avoit, certainement il n’eût redressé l’État, et peut-être pour des siècles ; mais l’on doit convenir que s’il l’eût eu mauvaise, il eût pu aller à tout dans un temps où l’enfance du Roi, l’opiniâtreté de la Reine, la foiblesse de Monsieur, l’incapacité du ministre, la licence du peuple, la chaleur du parlement, ouvroient à un jeune prince, plein de mérite et couvert de lauriers, une carrière plus belle et plus vaste que celle que messieurs de Guise avoient courue.

Dans la conversation que j’eus avec M. le prince, il me dit deux ou trois fois avec colère qu’il feroit bien voir au parlement, s’il continuoit à agir comme il avoit accoutumé, qu’il n’en étoit pas où il pensoit, et que ce ne seroit pas une affaire de le mettre à la raison. Pour vous dire le vrai, je ne fus pas fâché de trouver cette ouverture à en tirer ce que je pourrois des pensées de la cour. Il ne s’en expliqua pas toutefois ouvertement ; mais j’en compris assez pour me confirmer dans la pensée que j’avois, qu’elle commençoit à reprendre ses premiers projets d’attaquer Paris. Pour m’en éclaircir encore davantage, je dis à M. le prince que M. le cardinal pourroit fort facilement se tromper dans ses mesures, et que Paris seroit un morceau de dure digestion. À quoi il me répondit de colère : « On ne le prendra pas comme Dunkerque, par des mines et par des attaques ; mais