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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

pris public ? Le parlement n’est-il pas l’idole du peuple ? Je sais que vous les comptez pour rien, parce que la cour est armée ; mais je vous supplie de me permettre de vous dire qu’on les doit compter pour beaucoup, toutes les fois qu’ils se comptent eux-mêmes pour tout. Ils en sont là : ils commencent eux-mêmes à compter vos armées pour rien ; et le malheur est que leurs forces consistent dans leur imagination : car on peut dire avec vérité qu’à la différence de toutes les autres sortes de puissance, ils peuvent, quand ils sont arrivés à un certain point, tout ce qu’ils croient pouvoir. Votre Altesse me disoit dernièrement que cette disposition du peuple n’étoit qu’une fumée ; mais cette fumée si noire et si épaisse est entretenue par un feu qui est bien vif et bien allumé. Le parlement le souffle ; et le parlement, avec les meilleures et même les plus simples intentions du monde, est capable de l’enflammer à un point qui l’embrasera et le consumera lui-même, mais qui hasardera dans ces intervalles plus d’une fois l’État. Les corps poussent toujours avec trop de vigueur les fautes des ministres quand ils ont tant fait que de s’y acharner, et ils ne ménagent presque jamais leurs imprudences : ce qui est en de certaines occasions capable de perdre un royaume. Si le parlement eût répondu, quelque temps avant que vous revinssiez de l’armée, à la ridicule et pernicieuse proposition que le cardinal lui fit, de déclarer s’il prétendoit mettre des bornes à l’autorité royale si, dis-je, les plus sages du corps n’eussent éludé la réponse, la France, à mon opinion, cou-