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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

Il n’y a rien dans le monde qui n’ait son moment décisif, et le chef-d’œuvre de la bonne conduite est de connoître et de prendre ce moment : si on le manque, surtout dans la révolution des États, on court fortune ou de ne pas le retrouver, ou de ne le pas apercevoir. Il y en a mille et mille exemples. Les six ou sept semaines qui s’écoulèrent depuis la publication de la déclaration, jusqu’à la Saint-Martin de l’année 1648, nous en présentent un qui ne nous a été que trop sensible. Chacun trouvoit son compte dans la déclaration, c’est-à-dire chacun l’y eût trouvé si chacun l’eût bien entendue. Le parlement avoit l’honneur du rétablissement de l’ordre ; les princes le partageoient, et en avoient le premier fruit, qui étoit la considération et la sûreté ; le peuple, déchargé de plus de soixante millions, y trouvoit un soulagement considérable ; et si le cardinal Mazarin eût été d’un génie propre à se faire honneur de la nécessité (ce qui est une des qualités les plus nécessaires à un ministre), il se fût, par un avantage qui est toujours inséparable de la faveur ; il se fût, dis-je, approprié dans la suite la plus grande partie du mérite des choses mêmes auxquelles il s’étoit le plus opposé.

Voilà des avantages signalés pour tout le monde : et tout le monde manqua ces avantages signalés par des considérations si légères, qu’elles n’eussent pas dû, dans les véritables règles du bon sens, en faire même perdre de médiocres. Le peuple, qui s’étoit animé par les assemblées du parlement, s’effaroucha dès qu’il les vit cesser, sur l’approche de quelques troupes, desquelles, dans la vérité, il étoit ridicule de prendre ombrage, et par la considération de leur petit nombre,