Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

M. le prince, avec lequel j’eus sur ce sujet une seconde conférence de trois heures, n’eût pris le parti du monde le plus sain et le plus sage, quoiqu’il fût très-mal persuadé du cardinal et à l’égard du public et au sien particulier, et qu’il ne fût guère plus satisfait de la conduite du parlement, avec lequel on ne pouvoit prendre aucunes mesures en corps, ni de bien sûres avec les particuliers. Il ne balança pas un moment à prendre la résolution qu’il crut la plus utile au bien de l’État ; il marcha sans hésiter et d’un pas égal entre le cabinet et le public, entre la faction et la cour et il me dit ces propres paroles, qui me sont toujours demeurées dans l’esprit, même en la plus grande chaleur de nos démêlés : « Le Mazarin ne sait ce qu’il fait, et il perdroit l’État si l’on n’y prenoit garde. Le parlement va trop vite : vous me l’aviez bien dit, et je le vois. S’il se ménageoit comme nous l’avions concerté, nous ferions nos affaires ensemble, et celles du public. Il se précipite : et si je me précipitois avec lui, j’y ferois peut-être mieux mes affaires que lui ; mais je m’appelle Louis de Bourbon, et je ne veux pas ébranler la couronne. Ces diables de bonnets carrés sont-ils enragés « de m’engager ou à faire demain la guerre civile, ou à les étrangler eux-mêmes, et à mettre sur leurs têtes et sur la mienne un gredin de Sicile qui nous perdra tous à la fin ! »

M. le prince avoit raison, à la vérité, d’être embarrassé et fâché : car vous remarquerez que ce même Broussel, avec lequel il avoit lui-même pris des mesures, et qui m’avoit positivement promis d’être modéré dans cette délibération, fut celui qui ouvrit