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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

étoit grande. Je lui fis voir qu’il étoit perdu lui-même que Chavigny ne l’étoit que parce que l’on s’étoit imaginé qu’il l’avoit poussé, lui Viole, à ce qu’il avoit fait ; qu’il étoit visible que le Roi n’étoit sorti de Paris que pour l’attaque ; qu’il voyoit comme moi l’abattement des esprits ; que si on les laissoit tout-à-fait tomber, ils ne se relèveroient plus ; qu’il les falloit soutenir ; que j’agissois avec succès dans le peuple ; que je m’adressois à lui comme à celui en qui j’avois le plus de confiance et que j’estimois le plus, afin qu’il agît de concert dans le parlement ; que mon sentiment étoit que la compagnie ne devoit point mollir dans ce moment ; mais que comme il la connoissoit, il savoit qu’elle avoit besoin d’être éveillée dans une conjoncture où il sembloit que la sortie du Roi eût un peu trop frappé et endormi ses sens ; qu’une parole portée à propos feroit infailliblement ce bon effet.

Ces raisons, jointes aux instances de Longueil qui s’étoit joint à moi, emportèrent, après de grandes contestations, le président Viole, et l’obligèrent à faire par le seul principe de la peur, qui lui étoit très-naturelle, une des plus hardies actions dont on ait peut-être jamais ouï parler. Il prit le temps où le président de Mesmes présenta au parlement sa commission pour la chambre de justice, pour dire ce dont nous étions convenus, qui étoit qu’il y avoit sans comparaison des affaires plus pressantes que celles de la chambre de justice ; que le bruit couroit que l’on vouloit assiéger Paris ; que l’on faisoit marcher des troupes ; que l’on mettoit en prison les meilleurs serviteurs du feu Roi, que l’on jugeoit devoir être contraires