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[1648] MÉMOIRES

quatre mille Allemands ; et comme dans les émotions populaires une mauvaise nouvelle n’est jamais seule, l’on en publia cinq ou six de même nature, qui me firent connoître que j’aurois encore plus de peine à soutenir les esprits que je n’en avois eu à les retenir.

Je ne me suis guère trouvé, dans tout le cours de ma vie, plus embarrassé que dans cette occasion. Je voyois le péril dans toute son étendue, et je n’y voyois rien qui ne me parût affreux. Les plus grands dangers ont leurs charmes, pour peu que l’on aperçoive de gloire dans la perspective des mauvais succès ; les médiocres dangers n’ont que des horreurs, quand la perte de la réputation est attachée à la mauvaise fortune. Je n’avois rien oublié pour faire que le parlement ne désespérât pas la cour, au moins jusqu’à ce que l’on eût pensé aux expédiens de se défendre de ses insultes. Qui ne l’eût cru, si elle eût su bien prendre son temps, ou plutôt si le retour de M. le prince ne l’eût empêché de le prendre ? Comme on le croyoit retardé, au moins pour quelque temps, rt justement lorsque le Roi sortit de Paris, je ne crus pas avoir celui de l’attendre, comme je me l’étois proposé ; et ainsi je me résolus à un parti qui me fit beaucoup de peine, mais qui étoit bon parce qu’il étoit l’unique. Les extrêmes sont toujours fâcheux ; mais ce sont des moyens sages quand ils sont nécessaires. Ce qu’ils ont de consolant est qu’ils ne sont jamais médiocres, et qu’ils sont décisifs quand ils sont bons. La fortune favorisa mon projet. La Reine fit arrêter Chavigny, et elle l’envoya au Havre de Grâce. Je me servis de cet instant pour animer Viole, son ami intime, par sa propre timidité, qui