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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

d’autres. Je gage que cet innocent (en me montrant Blancménil) croit avoir été au sabbat, parce qu’il s’est trouvé ici à onze heures du soir. » Il eût gagné si j’eusse gagé contre lui : car Blancménil, avant que de sortir, nous déclara qu’il ne vouloit plus de conférences particulières ; qu’elles sentoient la faction et le complot, et qu’il falloit qu’un magistrat dît son avis sur les fleurs de lis, sans en avoir communiqué avec personne ; que les ordonnances l’y obligeoient. Voilà le canevas sur lequel il broda maintes et maintes impertinences de cette nature, que j’ai dû toucher en passant pour vous faire connoître que l’on a plus de peine dans les partis à vivre avec ceux qui en sont qu’à agir contre ceux qui y sont opposés. C’est tout vous dire qu’ils firent si bien par leurs journées[1] que la Reine, qui avoit cru que les vacations pourroient diminuer de quelque degré la chaleur des esprits, et qui, par cette considération, venoit d’assurer le prévôt des marchands que le bruit que l’on avoit fait courir qu’elle vouloit faire sortir le Roi de Paris étoit faux ; que la Reine, dis-je, s’impatienta, et emmena le Roi à Ruel. Je ne doutai point qu’elle n’eût pris le dessein de surprendre Paris, qui parut effectivement étonné de la sortie du Roi[2] ; et je trouvai même, le lendemain au matin, de la consternation dans les esprits les plus échautfés du parlement. Mais ce qui l’augmenta fut que l’on eut avis en même temps qu’Erlac[3] avoit passé la Somme avec

  1. Leurs journées : Expression empruntée des vieux poètes français.
  2. La sortie du Roi : Le Roi fut conduit à Ruel le 14 septembre 1648, et la Reine alla le rejoindre dans la même journée. (Histoire du Temps, Ier partie, p. 225.)
  3. Il étoit gouverneur de Brisach, et commanda les troupes du duc de Weymar après la mort de ce duc. (A. E.)