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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

pagnie qui ne s’effarouchassent seulement de la proposition : et peut-être y en avoit-il aussi peu à qui il y eût sûreté de la confier. J’avois devant les yeux le grand exemple de l’instabilité des peuples, et beaucoup d’aversion naturelle aux moyens violens qui sont souvent nécessaires pour le fixer.

Saint-Ibal[1], mon parent, homme d’esprit et de cœur, mais d’un grand travers, et qui n’estimoit les hommes que selon qu’ils étoient mal à la cour, me pressa de prendre des mesures avec l’Espagne, avec laquelle il avoit de grandes habitudes par le canal du comte de Fuensaldagne, capitaine général aux Pays-Bas sous l’archiduc[2]. Il m’en donna même une lettre pleine d’offres, que je ne reçus pourtant pas. J’y répondis par de simples honnêtetés ; et, après de grandes et profondes réflexions, je pris le parti de faire voir par Saint-Ibal aux Espagnols, sans m’engager pourtant avec eux, que j’étois fort résolu de ne pas souffrir l’oppression de Paris ; de travailler avec mes amis ; de faire que le parlement mesurât un peu plus ses démarches, et d’attendre le retour de M. le prince, avec lequel j’étois très-bien, et auquel j’espérois faire connoître et la grandeur du mal et la nécessité du remède. Ce qui me donnoit le plus lieu de croire que j’en pourrois avoir le temps étoit que les vacations du parlement étoient fort proches ; et je me persuadois par cette raison que la compagnie ne s’assemblant, et la cour par conséquent ne se trouvant plus pressée par les délibérations, l’on demeureroit de part et d’autre dans une espèce de repos qui, bien ménagé par M. le

  1. Montrésor l’appelle Saint-Ibar dans ses Mémoires. (A. E.)
  2. Léopold-Guillaume d’Autriche. (A. E.)