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[1648] MÉMOIRES

Je n’en fis, comme vous pouvez croire, aucune difficulté. Il m’embrassa avec des tendresses que je ne puis vous exprimer. Il n’y avoit que moi en France qui fût homme de bien : tous les autres n’étoient que des flatteurs infâmes, et qui avoient emporté la Reine, malgré ses conseils et les miens. Il me déclara qu’il ne vouloit plus rien faire que par mes avis ; il me communiqua les dépêches étrangères ; enfin il me dit tant de fadaises, que le bonhomme Broussel, qu’il avoit aussi mandé, et qui étoit entré dans sa chambre un peu après moi, éclata de rire en sortant, tout simple qu’il étoit, et même en vérité jusqu’à l’innocence ; et qu’il me coula ces paroles dans l’oreille : « Ce n’est là qu’une pantalonnade. »

Je revins chez moi, très-résolu, comme vous pouvez croire, de penser à la sûreté du public et à la mienne en particulier. J’en examinai les moyens, et je n’en imaginai aucun qui ne fût d’une exécution très-difficile. Je connoissois le parlement pour un corps qui pousseroit tout sans mesure. Je voyois qu’au moment que je pensois, il délibéroit sur les rentes de l’hôtel-de-ville, dont la cour avoit fait un commerce honteux, ou plutôt un brigandage public. Je considérois que l’armée, victorieuse à Lens, reviendroit infailliblement prendre ses quartiers d’hiver aux environs de Paris, et que l’on pourroit très-facilement l’investir, et couper les vivres à la ville en un matin. Je ne pouvois pas ignorer que ce même parlement, qui poussoit la cour, ne fût très-capable et de faire le procès à ceux qui le feroient eux-mêmes, et de prendre des précautions pour ne pas être opprimé. Je savois qu’il y avoit très-peu de gens dans cette com-