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[1648] MÉMOIRES

il étoit au parlement comme vous l’avez vu chez vous. Vous jugez bien que s’il y eût eu de la cabale dans la compagnie, l’on n’eût pas été choisir des cervelles de ce caractère au travers de tant d’autres qui avoient, sans comparaison, plus de poids ; et que ce n’est pas sans sujet que je vous ai dit, en plus d’un endroit de ce récit, que l’on ne doit chercher la cause de la révolution que je décris que dans le dérangement des lois, qui a causé insensiblement celui des esprits, et qui fit qu’avant que l’on se fût presque aperçu du changement, il y avoit déjà un parti. Il est constant qu’il n’y en avoit pas un de tous ceux qui opinèrent dans le cours de cette année au parlement et dans les autres compagnies souveraines qui eût la moindre vue, je ne dis pas seulement de ce qui s’en est suivi, mais de ce qui en pouvoit suivre. Tout se disoit et se faisoit dans l’esprit des procès ; et comme il avoit l’air de la chicane, il en avoit la pédanterie, dont le propre essentiel est l’opiniâtreté, directement opposée à la flexibilité, qui de toutes les qualités est la plus nécessaire pour le maniement des grandes affaires. Et ce qu’il y a d’admirable étoit que le concert, qui seul peut remédier aux inconvéniens qu’une cohue de cette nature peut produire, eût passé dans cette sorte d’esprit pour une cabale. Ils la faisoient eux-mêmes, mais ils ne la connoissoient pas. L’aveuglement des bien intentionnés en cette matière est suivi pour l’ordinaire bientôt après de la pénétration de ceux qui mêlent la passion de la faction dans les intérêts publics, et qui voient le futur et le possible, dans les temps que les compagnies réglées ne songent qu’au présent et à l’apparent.